Une ecole folle, folle, folle

Ecole Paul Painlevé, Lyon 3ème.

Les lundi, c’est chorale. Les mardi, atelier : chorale, sound painting, percussions et expression théâtrale. J’ai pu suivre la réunion des deux premiers ateliers, quelques clichés ici, avant diaporama complet… mais que font-ils dans cette bâtisse armés de cuillère et de balance ?

Vue du Caire

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Cette photo a été prise du haut d’un immeuble de 16 étages, où un petit monsieur surveille jour et nuit que l’on ne monte qu’à 5 personnes dans l’ascenseur sous peine de le bloquer ( ce qui finira par arriver puisque nous étions une horde de têtus et très nombreux, une centaine, à devoir passer par cet immeuble et son 16ème étage durant notre séjour. ) Ici, chaque étage a ses caractéristiques, les urbanistes et architectes européens s’y arracheraient les cheveux. Chaque étage a son propre style, y compris l’étage réservé aux chats errants. Passant de l’étage « Hollywood » avec statue des oscars à un étage en reconstruction sans logique aucune, tout en haut, deux étages réservés à un hôtel. Absolument improbable.
Dans son immense étendue, le Caire a besoin de ses ponts comme nous avons besoin de nos deux poumons. Là-bas, bloquer ne serait-ce qu’un seul pont équivaut à ne respirer que d’une narine, voir moins. Certains ponts passent en plein milieu des rues et les séparent sur des kilomètres, il est impressionnant de voir la vie qui s’y organise en dessous et des deux côtés de cette séparation « visuelle ». Le marché est une des choses récurrentes que l’on trouve là-bas dessous. Mais lors des affrontements de la Révolution, s’était également la place idéale pour se faire gazer et jeter des projectiles de la part des forces de l’ordre. Prendre un pont était donc une victoire. Je garde en mémoire le souvenir vivace des égyptiens sur l’un de ces ponts, en train d’accomplir la Salat – prière islamique – et avançant, faisant ainsi reculer les forces de l’ordre alors que quelques minutes avant celles-ci fonçaient sur les manifestants avec leur véhicules et les inondaient à l’aide de canons à eau. Seulement ce jour là, sur ce pont au dessus-du Nil, c’est une victoire qui fut remportée et nous célébrions en France, dans les cercles militants, celle qui fut appelée « la bataille du Nil. » Voir tout ceci de plus près a été un moment riche et particulier, particulièrement frustrant également du fait du peu de temps imparti à notre temps de halte au Caire avant de partir pour Gaza.

Que reste-t-il sur Tahrir Square ?

La Place Tahrir est désormais connue comme étant le bastion de la Révolution égyptienne qui chassa Hosni Moubarak. Qu’en est-il de cette place aujourd’hui ? En m’approchant de cette place, je ne me suis pas aperçue que c’était elle.

Je m’attendais à un immense espace et m’aperçut que les proportions me rappelaient celles de la place Bellecour, en plein cœur de Lyon,  imaginant alors ce que serait celle-ci, si nous aussi nous nous rebellions. Mais nous ne sommes pas assez précaires pour oser faire ce que les égyptiens ont fait, Hollande ou Sarko, il faudrait tous les virer, mais nous respirons assez convenablement sans penser que notre acceptation de la politique française et européenne nous mène droit dans le mur. Nous, mais aussi les peuples avec lesquels nous jouons sur le grand échiquier du monde, à ce stupide jeu qui n’est qu’économie mondiale et géopolitique. Tant pis pour les peuples. La preuve en est, les égyptiens ont viré Moubarak, celui-là même à qui Sarkozy et tant d’autres ont serré la main, ils ont choisi Morsi, « l’islamiste » et déjà le monde à crier gare. Sauf que, les égyptiens décident désormais de leur sort, car oui, ils ont voté. Le modèle que le monde veut imposer, la sacro-sainte démocratie, a laissé parler un peuple après sa Révolution.  Les pressions internationales ne suffiront peut-être plus à leur faire plier l’échine, même si un pays entier est à reconstruire jusque dans les mentalités diverses et complexes qui le composent. On n’efface pas des décennies de régime autoritaire et ultra-répressif, où n’importe qui peut être rémunérer pour surveiller son voisin, d’un coup de bulletin magique.

Retour à la place Tahrir. Au milieu de la place, des tentes sont installées, la journée on vend du thé, café, des biscuits, on attend que le temps passe et la nuit, il en va de même, avec le fond sonore en plus, auquel se mêle des images à la gloire de la Révolution et, de façon plus surprenante, d’autres à l’effigie de Nasser. Plus loin, un immeuble, appartenant à la famille Moubarak ayant subi les foudres incendiaires d’un peuple en colère, qui est resté là, debout, comme témoignage de ce qui s’est passé il y a deux ans maintenant. Nous sommes restés un long moment sur cette place, y repassant plusieurs fois au fil du séjour, mais on ne peut pas dire que la Révolution y siège encore. Il y a bien un pantin pendu à un feu rouge semblant revendiquer du haut de sa corde, mais rien, pas de sit-in géant, pas de « scandage » de slogan en règle, juste des gens, tout au long de la place, attendant on ne sait quoi. Si bien qu’au final, quand l’un du groupe s’y rendait, on se demandait bien pourquoi. La Révolution est passée, le barbelé et les barricades de bêton improvisées sont toujours là, la pauvreté est toujours là, le chômage également, les portes de Rafah, menant à la bande de Gaza, sont toujours closes, ce sans quoi le siège de Gaza serait fini. On ne sait pas trop ce que donnera ce squattage de la place Tahrir.

Aux alentours de la place, restent les murs qui honorent les martyrs, tag rappelant les attaques contre le Prophète Mouhammad, mêlant plusieurs langues étrangères, disant « je suis Musulman et je suis fière de mon Prophète. » Mise en garde contre les médias, rue des yeux de la liberté, Moubarak en pharaon, Mona Lisa détournée en Brigades,  les murs sont désormais le souvenir des contestations. Pour le reste, on attendra que le Président Morsi fasse ses preuves, en sachant que le chemin sera long, très long avant que la corruption, la pauvreté et le chômage ne soit endigués.

 

Dans le ventre de Rafah

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En arrivant à Rafah, ce qui frappe, dès la première minute, c’est l’aspect « parc à bestiaux », ici les hommes s’entassent devant les grilles, les chars égyptiens veillent au grain et au compte-goutte des familles entrent ou sortent. Rien que pour cela, nos actions  bisounours  de boycott des oranges de Jaffa et des machines SodaStream dans les supermarchés  pour lesquelles nous sommes taxés d’antisémites et comparaissons devant la Justice, se trouvent largement justifiées. Qui décide de qui entre ou pas ? Qui décide de qui  sort ou pas ? Certainement pas dans leur plein droit les autorités de Gaza, alors oui, le boycott a une raison d’être.

Entrée dans le terminal, à part nous plus personne n’entrera pour aujourd’hui et c’est toujours la foire aux bestiaux, on crie des noms, les visages sont fatigués par l’attente et la dame qui s’occupe des sanitaires nous racontent son histoire, ses 8 enfants, son mari qu’elle a perdu, avant même de sortir de Rafah, nous sommes déjà dans le vif du sujet.

Enfin, après avoir récupéré nos passeports dûment tamponnés et validant notre sortie d’Egypte, nous entrons dans la bande de Gaza. Nous entrons en Palestine après trois missions où nous avons été refoulés à l’entrée, dans nos propres aéroports européens et à la frontière jordanienne, surveillée non pas par les autorités jordaniennes comme le voudrait le bon sens mais par l’armée israélienne. Après trois minutes de joie d’être enfin là, la réalité de la situation nous rattrape, nous découvrons le missile d’une tonne lâché sur la voiture d’un membre du Hamas, tant et tant diabolisé par nos médias. Un missile d’une tonne que je ne peux m’empêcher de comparer aux « misérables » roquettes Al Qassam, qui tiennent plus du Patator ( 1 ) que du missile digne d’une véritable armée.  Non pas que le Hamas soit rose bisounours, toutefois, tout est question de proportion. Bref, un missile plus un autre et tous les autres exposés  et puis les photos de bâtiments détruits, d’enfants morts pour rien lors de l’attaque de novembre 2012, un musée des horreurs ou juste, la dure réalité de la vie à Gaza, rythmée par les bombardements du pays voisin et voleur de tout, un pays qui se croit tout permis et à qui l’on permet tout, l’intouchable Etat sans frontières d’Israël.

Israël aura eu beau nous diaboliser nous aussi, nous taxer de terroristes, nous interdire l’accès à la Palestine, par tous les moyens possibles, finalement notre détermination à entrer en Palestine, à refuser le blocus et le siège de Gaza nous a permis, avec l’aval des autorités gazaouies et du nouveau gouvernement égyptien de rendre visite à une partie d’un peuple emprisonné. Nous sommes entrés dans la prison de Gaza, mais nous, nous en sommes ressortis et il est de notre devoir d’en être sortis plus déterminés encore à faire savoir ce qui se passe derrière les murs et les check-points.
        1 )   Le Patator est une arme de nos campagnes, fait pour lancer des patates à grande vitesse et fonctionnant avec un simple tuyau d’aspirateur et une bombe aérosol. Arme de guerre s’il en est donc.